L'accord-cadre Google / SNE et la loi sur les livres indisponibles


Tout a commencé en 2005, lorsque Google décide, seul, de mettre en ligne des œuvres numérisées d'auteurs français.


Aussitôt, les Éditions de la Martinière attaquent le moteur de recherche américain avec, à ses côtés, le SNE (Syndicat National des Editeurs) et la SGDL (Société des Gens de Lettres).

Les Editions de La Martinière dénoncent la numérisation d'œuvres sans l'accord préalable des titulaires des droits et l'atteinte au droit moral.

Google invoque que la plupart des œuvres mises en ligne sont épuisées et que les titulaires des droits peuvent demander le retrait des œuvres mise en ligne.

Le 18 décembre 2009, Google est condamné par la justice française.

Il fait appel.

Courant 2010 et 2011, Google signe des accord avec les Editions de La Martinière et plusieurs éditeurs français pour la mise en ligne des œuvres de leur catalogue et le 1er mars 2012, est promulguée une loi sur les livres indisponibles,

Enfin, le 12 juin 2012, Antoine Gallimard annonce qu'un accord-cadre est signé entre Google et le SNE et met fin aux poursuites juridiques .

Entre l'accord-cadre du 12 juin 2012 et la loi du 1er mars 2012, quel sera le sort des livres indisponibles ?


De ce que l'on sait et ne sait pas de l'accord-cadre Google avec le SNE :


Une liste de livres indisponibles va être établie par les éditeurs du SNE à partir de la base de données de livres numérisés de Google.

Cette liste comprendra des ouvrages qui ne sont plus exploités sous forme papier, mais dont l'éditeur a conservé les droits.

Rien ne nous dit que l'accord Google ne couvre que les œuvres du XXème siècle, comme c'est le cas dans la loi du 1er mars 2012.

Les ouvrages sélectionnés seront commercialisés par l'intermédiaire de Google sous forme numérique et par l'impression à la demande, moyennant une contrepartie.

On ignore cependant :

- le montant de la rémunération versée par Google à l'éditeur en contrepartie de cette exploitation,

- la durée de l'exploitation concédée à Google par l'éditeur,

- l'étendue des exclusivités concédées à Google,

-
la marge de man
œuvre dont disposerait Google si un auteur le contactait pour mettre en ligne son 
œuvre indisponible.

Pour exploiter ces ouvrages via Google, l'éditeur devra obtenir auprès de l'auteur les droits d'exploitation numérique et convenir avec lui de la rémunération qui lui sera versée.

Selon le Code de la Propriété Intellectuelle, la rémunération de l'auteur devra être un pourcentage calculé sur le prix public hors taxe des ouvrages vendus par Google.


Le mécanisme de la loi du 1er mars 2012 sur les livres indisponibles :

Une base de données de livres indisponibles va être établie par la BNF (Bibliothèque Nationale de France) et sera mise à disposition en accès libre et gratuit, en ligne, par un service de communication au public.


Cette base de donnée ne concerne que les livres du XXème siècle, à savoir les œuvres publiées avant le 1er janvier 2001.

L'auteur de l'œuvre indisponible ou l'éditeur initial dispose d'un délai de six mois pour s'opposer à l'inscription de l'œuvre sur cette base.

Si l'ouvrage n'est pas retiré de la base, l'éditeur initial pourra exploiter l'œuvre sous forme numérique.

Il n'aura pas besoin de négocier avec l'auteur les droits d'exploitation numérique et de convenir avec lui des modalités de sa rémunération.

En effet, l'autorisation est donnée à l'éditeur par la société de gestion collective à titre exclusif pour une durée de 10 ans renouvelable et la rémunération est fixée par elle.

On ne connaît pas à ce jour les modalités de calcul de cette rémunération. La loi précise seulement que le montant des sommes perçues par le ou les auteurs du livre ne pourra être inférieur au montant des sommes perçues par l’éditeur.

Ainsi, la rémunération de l'auteur et de l'éditeur dépendra des sommes collectées par la société de gestion collective auxquelles auront été soustraits les frais de gestion de la société en question.


Articulation Accord Google et loi sur les indisponibles :


Deux cas de figures sont envisageables :

1. La liste des œuvres exploitées par Google est établie avant la mise en œuvre de la loi sur les indisponibles 

La liste de livres indisponibles établie à partir de la base de données Google videra alors la base de données établie par la BNF puisque, une fois en ligne via Google, les ouvrages ne seront plus indisponibles.

On peut d'ailleurs se demander s'il n'y aura pas deux catalogues : celui des œuvres jusque-là indisponibles mais finalement rentables via Google, et celui des œuvres indisponibles de la base de la BNF qui resteront indisponibles car personne ne voudra les commercialiser.

Cette exploitation ne pourra se faire sans l'autorisation préalable de l'auteur, et donc la signature d'avenants.

Or la loi sur les livres indisponibles a été conçue pour justement éviter aux éditeurs ces démarches juridiques.

Ce constat nous amène donc à penser que le cas de figure suivant sera mis en oeuvre.


2. La liste des œuvres exploitées par Google est établie après l'inscription des œuvres sur la base de données de la BNF :

Passé le délai de six mois à compter de l'inscription sur cette base, l'éditeur initial pourra obtenir les droits d'exploitation numérique et choisir Google pour commercialiser l'œuvre sous forme numérique.

Il n'aura alors pas besoin de signer un avenant avec l'auteur.

Cependant, cette exploitation ne concerne que les 
œuvre indisponibles du XXème siècle et ne pourra se faire que si l'auteur n'a pas exercé son droit d'opposition dans les six mois qui suivent l'inscription de l'œuvre sur la base de données de la BNF.

Les auteurs qui sont aujourd'hui inquiets de la mise en oeuvre de ces deux textes ont donc trois moyens d'action :

- négocier la cession de leur droits numériques avec leur éditeur initial,


- s'opposer à l'inscription de leur 
œuvre sur la base de données de la BNF,

- proposer l'exploitation numérique de leur
œuvre à un tiers : maisons d'édition ou autres.


Le 20 juin 2012



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