La suggestion
de sites illégaux
Google Suggest
Arrêt
Cour d'Appel de Paris 3 mai 2011
Cette affaire opposait le Syndicat National de l'Edition Phonographique
à Google à propos de la fonction Google Suggest.
Le Snep avait constaté que le moteur de recherche orientait
les internautes qui recherchaient de la musique en ligne en tapant le
nom d'un artiste ou d'un album, vers des sites de téléchargement,
éventuellement illégaux, par la suggestion de mots-clés
tels que "torrent", "megaupload" et "rapidshare".
Le Syndicat considérait ces résultats proposés
comme une atteinte au droit d'auteur ou à un droit voisin et
souhaitait voir ordonner des mesures pour empêcher ces atteintes,
comme le prévoit l'article L 336-2 du Code de la propriété
intellectuelle.
La fonctionnalité Google Suggest
Google Suggest offre aux internautes
effectuant une recherche, à partir des premières lettres
du mot qu'ils saisissent, un menu déroulant de propositions qui
comporte une liste de plusieurs requêtes possibles.
Les résultats affichés par Google Suggest
dépendent d'un algorithme basé sur les recherches des
autres internautes.
L'ordre de ces requêtes est déterminé par la quantité
d'internautes ayant utilisé chacune des requêtes concernées.
Il dépend donc de la popularité des termes utilisés
lors des différentes recherches.
Cependant Google a la possibilité d'intervenir en filtrant
certains mots, ce qui donne à cette fonctionnalité un
caractère semi-automatique.
L'arrêt de la Cour d'Appel
Google estimait que l'article L 336-2
du code de la propriété intellectuelle ne pouvait
pas s'appliquer dès lors que l'atteinte à un droit d'auteur
ou à un droit voisin n'était pas rapportée, et
que le téléchargement illégal n'avait pas encore
eu lieu.
Il convenait donc pour les juges d'apprécier s'il y avait ou
non atteinte à un droit d'auteur ou à un droit voisin
et si le simple affichage des termes litigieux constituait une atteinte.
La Cour a considéré que la suggestion de ces sites
ne constituait pas en elle-même une atteinte au droit d'auteur
dès lors que :
- les fichiers figurant sur ces sites n'étaient pas tous nécessairement
destinés à des téléchargements illégaux,
- c'était l'utilisation des sites suggérés par
ceux qui y déposaient et téléchargeaient des fichiers
qui pouvait devenir illicite.
Autrement dit, c'était donc l'acte volontaire de l'internaute
qui constituait l'acte de contrefaçon.
Ainsi Google ne pouvait pas être tenu responsable, par
la fonctionnalité de suggestion, du contenu illégal de
ces sites "pair à pair", ni des actes des utilisateurs recourant
à son moteur de recherche, ni des usages qui en étaient
faits.
La Cour ajoutait enfin que la mise en place d'opérations
de filtrage ou la suppression de la suggestion n'empêcherait pas
le téléchargement illégal de phonogrammes ou d'œuvres
protégées par le Snep dès lors que le contenu litigieux
resterait accessible en dépit de la suggestion.
Les précédents
Cet arrêt se distingue de deux décisions concernant
Google Suggest qui avaient été rendues sur
des questions de diffamation et d'atteinte à l'image et la réputation
d'une marque.
En effet, le 8 septembre 2010, le TGI de Paris avait considéré
Google responsable du dommage causé à un particulier
en suggérant l'association de ses nom et prénom aux mots
"sataniste", "violeur", "condamné" ou "prison" .
De même dans une décision du 9 décembre 2009, la
Cour d'Appel de Paris considérait que la présentation
par Google Suggest d'une marque associée au terme
"arnaque" engendrait un préjudice évident à la
société titulaire de la marque.
Pourtant, le TGI de Paris, dans une ordonnance
du 22 juillet 2010, a considéré que la seule association
du nom d'une société au terme "escroquerie" n'était
pas en elle-même interdite, sauf à porter atteinte à
la liberté d'expression.
D'autant que la société n'avait pas contesté les
propos mis en ligne sur les pages ciblées par Google Suggest,
ni attaqué les sites qui la mettaient en cause.

Dessin
: Fleep
Le 17 mai 2011
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