Quand
une œuvre
tombe-t-elle dans le domaine public ?
Une
œuvre
tombe dans le domaine public quand le monopole d'exploitation sur cette
œuvre
cesse. Il n'est alors plus nécessaire de :
- demander au titulaire des droits d'auteur son autorisation préalable
pour reproduire ou représenter l'œuvre
;
- verser de droits d'auteur.
Or il n'existe pas de registre officiel regroupant l'ensemble des auteurs
et des œuvres
tombées dans le domaine public. Comment alors connaître
la date à laquelle une œuvre
tombe dans le domaine public ?
La règle générale
La durée des droits d'auteur en France est la vie de l'auteur
plus soixante-dix ans après sa mort. Les 70 ans se calculent
à partir du 1er janvier de l'année qui suit la date du
décès de l'auteur et se compte en années civiles
entières. La durée de la protection littéraire
et artistique est la même pour toutes les œuvres
: texte, images, dessins, musique etc.
Ainsi l'œuvre
d'un auteur décédé le 31 octobre 2011 tombera dans
le domaine public à compter du 1er janvier 2082.
Les œuvres de plusieurs auteurs
Pour les œuvres réalisées par plusieurs auteurs,
il existe trois cas de figure :
- l'œuvre
de collaboration
- l'œuvre
composite
- l'œuvre
collective
Une œuvre
de collaboration est le résultat d'une collaboration entre
auteurs, c'est le cas par exemple des romans écrits à
deux mains, des bandes dessinées (scénariste et illustrateur),
des chansons (auteur et compositeur). Leurs œuvres
de collaboration tombent dans le domaine public 70 ans après
la mort du dernier auteur survivant.
Une œuvre
composite est créée à partir d'œuvres
existantes sans que les auteurs aient collaboré entre eux pour
réaliser cette œuvre.
Les œuvres
composites sont par exemple : les traductions, les adaptations cinématographiques,
les photographies d'œuvre
d'art.
Il s'agit dans ce cas de vérifier que toutes œuvres
qui
la composent sont tombées dans le domaine public.
Par exemple, pour une traduction, il conviendra de vérifier non
seulement que l'auteur du texte initial est mort depuis plus de 70 ans
mais que c'est le cas aussi du traducteur. Ce n'est que si le texte
initial et la traduction sont dans le domaine public qu'aucune demande
d'autorisation ne sera nécessaire.
Enfin une œuvre
collective est publiée à l'initiative d'une personne
physique ou d'une entreprise et sous son nom et sa direction. En principe,
la contribution de chacun des auteurs se fond dans un ensemble sans
qu'il ne soit possible d'attribuer un droit à chacun d'eux sur
l'ensemble réalisé. Ce sont par exemple les journaux,
les encyclopédies, les dictionnaires.
L'œuvre
collective tombe dans le domaine public 70 ans à compter de
l'année qui suit la date de sa publication.
Attention, ce calcul n'est valable pour l'œuvre
collective prise dans son intégralité. Un article figurant
à l'intérieur de cette œuvre
collective est protégé individuellement pour la durée
de 70 ans à compter du 1er janvier de l'année suivant
la date du décès de son auteur.
Les œuvres
anonymes et pseudonymes
Pour les œuvres
anonymes et pseudonymes, l'identité de l'auteur étant
inconnue, leurs œuvres
sont protégées jusqu'à 70 ans à compter
de l'année qui suit leur date de publication.
Cependant, si l'auteur révèle son identité au cours
des 70 ans suivant la publication de son œuvre,
l'ensemble de son œuvre
recouvre une durée de soixante-dix ans calculée à
compter du 1er janvier de l'année suivant la date de son décès.
Les œuvres
posthumes
Pour les œuvres
posthumes, publiées après la mort de l'auteur, deux cas
se présentent :
- l'œuvre
est publiée durant la durée du monopole du droit d'auteur
soit dans les 70 années qui suivent la mort de l'auteur ;
- l'œuvre
est publiée après l'extinction de la durée du monopole,
c'est-à-dire plus de 70 ans après le décès
de son auteur.
Si une œuvre
posthume est publiée avant l'extinction du monopole, elle tombera
comme l'ensemble de l'œuvre
de cet auteur publiée de son vivant, après la fin de la
soixante-dixième année suivant la mort de l'auteur.
Si la première publication d'une œuvre
a lieu après la durée du monopole soit plus de 70 ans
après la mort de l'auteur, le texte est protégé
pendant 25 ans à compter du premier janvier qui suit la date
de sa publication. La personne qui bénéficie de cette
protection est alors le propriétaire de l'œuvre
inédite et non pas les descendants de l'auteur.
Faut-il encore appliquer les délais
de guerre ?
Avant la loi du 27 mars 1997, suite à une directive européenne,
la durée de la propriété littéraire et artistique
en France était de 50 ans à compter de l'année
suivant la date de la mort de l'auteur, à l'exception des œuvres
musicales qui étaient protégées pour une durée
de 70 ans post-mortem.
Ces durées pouvaient être éventuellement augmentées
des années de guerre. En effet, la loi française reconnaissait
des prorogations pour la première guerre mondiale, la seconde
guerre mondiale et les auteurs "morts pour la France".
Aujourd'hui ces prorogations ne s'appliquent plus sauf dans certains
cas, exceptionnels, et principalement pour les œuvres
musicales, selon le principe du respect des droits acquis.
Il s'agit des œuvres
qui n'étaient pas dans le domaine public au 1er juillet 1995
et bénéficiaient compte tenu des prorogations de guerre
d'un délai de protection supérieure à 70 ans. Ces
œuvres
conservent ce délai de protection plus long acquis au 1er juillet
1995.
Concernant la première guerre mondiale, pour toutes les œuvres
divulguées avant le 2 août 1914, il y a lieu de proroger
la durée des droits (50 ans ou 70 ans s'il s'agit d'une œuvre
musicale) de 5 années et 152 jours, pour les œuvres
non tombées dans le domaine public le 3 février 1919.
Concernant la deuxième guerre mondiale, pour les œuvres
divulguées avant le 3 septembre 1939, on applique un délai
égal au temps qui s'est écoulé entre le 3 septembre
1939 et le 1er janvier 1948 , pour les œuvres
non
tombées dans le domaine public au 13 août 1941. En pratique,
cela proroge la protection de 8 ans et 122 jours.
Pour les auteurs morts "pour la France", durant l'une des deux grandes
guerres, leurs œuvres
jouissent d'une prorogation de 30 ans qui s'ajoute aux années
de guerre.
Ainsi pour calculer les délais de protection au 1er juillet 1995
il faut prendre en compte :
- la date de publication de l'œuvre
pour savoir si cette œuvre
était exploitée pendant l'une des deux guerres ;
- la date et les circonstances du décès de l'auteur (est-il
mort pour la France ?).
Exemple : Quand le "Boléro" de Ravel tombera-t-il
dans le domaine public ?
Maurice Ravel est décédé en 1937. Il a créé
le "Boléro" en 1928. Cette œuvre
existait donc durant la seconde guerre mondiale. Avant le 1er juillet
1995, les œuvres
musicales bénéficiaient déjà d'une protection
de 70 ans post-mortem.
Ainsi, au 1er juillet 1995, le "Boléro"
de Ravel était protégé pour une durée
de 70 ans à compter de 1938 (année qui suit la mort de
Ravel) + 8 ans et 122 jours. Soit jusqu'au 1er mai 2016 (l'année
2016 étant une année bissextile !)
Le "Boléro" de Ravel conserve donc aujourd'hui
encore cette durée de protection de plus de 78 ans acquise avant
la modification de la loi et tombera dans le domaine public le 2 mai
2016 .
Quand une œuvre
étrangère tombe-t-elle dans le domaine public ?
Le calcul se complique aussi lorsque l'on souhaite reprendre une œuvre
d'un auteur étranger.
Tout d'abord, les textes publiés pour la première fois
dans l'un des vingt-sept pays de l'Union Européenne sont protégés
pendant la même durée qu'en France, les législations
des pays de l'Union Européenne ayant été harmonisées.
Les textes publiés en dehors de l'Union Européenne dans
un pays ayant ratifié la Convention de Berne (notamment le Japon,
les États-Unis) sont protégés en France pour une
durée de la propriété littéraire française
si ce pays protège lui-même les œuvres
françaises pour au moins la même durée. Toutefois
pour les pays proposant une durée plus longue que la loi française,
ce sont aussi les règles de droit français qui s'appliqueront
sur le territoire français. Mais pour les pays proposant
une durée plus courte, la durée de protection en France
n'excédera pas la durée fixée dans le pays d'origine
de l'œuvre.
Mais aujourd'hui, l'utilisation de l'Internet fait disparaître
les frontières et permet l'accès à des oeuvres
tombées dans le domaine public dans certains pays, sur des territoires
où elles sont encore protégées.
Par exemple "Le Petit Prince" de Saint-Exupéry,
et "Le Vieil Homme et la Mer" d'Hemingway, tombés
dans le domaine public au Canada, mais protégés encore
en France, ont suscité de vives polémiques.
A quand l'harmonisation mondiale de la durée de propriété
littéraire et artistique ?
Le 20 février 2012
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